Je m’appelle Claire, j’ai 45 ans. Salariée du lundi au vendredi, épouse et maman à temps plein, ma vie est un marathon sans ligne d’arrivée. L’ennui ? Je ne l’ai jamais rencontré.
Aujourd’hui, c’est samedi. Jour de repos officiel et pourtant, à 10h, j’ai rendez-vous au salon de coiffure. Non pas pour moi (soyons réalistes) mais pour mes 3 enfants, comme à chaque période de vacances scolaires, lorsque leur coupe évoque davantage des personnages de manga que de jeunes gens civilisés et que leur vue est limitée par une tignasse graisseuse.
Une journée qui en l’absence de mon mari qui travaille les week-ends est réglée comme du papier à musique.
À 7h30, j’extirpe Arthur, 6 ans, de son sommeil, et je profite qu’il avale ses céréales pour enchaîner les courses en ligne, jonglant entre les promotions et le niveau de stock du frigo. Toilette express, passage obligé à un point relais pour récupérer un colis, arrêt stratégique à la boulangerie, puis à la supérette pour l’oubli du jour. De retour à la maison, j’espère trouver Emma, 13 ans, debout et habillée, avant d’accueillir l’aîné, Léo, 15 ans, de retour de son internat dans un lycée professionnel.
Se rendre dans un salon de coiffure, cet antre qui mériterait d’être classée zone à risque, n’est pas des plus plaisants. S’y rendre avec 3 enfants, dont une traverse un chagrin d’amour et un autre, une adolescence qui s’accompagne d’une rébellion silencieuse, relève de l’exploit olympique.
Il est 9h30, tout le monde est dans la voiture. Enfin, sauf doudou. Arthur hurle et je rebrousse chemin pour récupérer la peluche sacrée sans laquelle rien n’est possible, et « en route ! »
Comme un samedi matin au centre-ville, les rues sont saturées par la circulation. Places de parking introuvables, klaxons, conducteurs stressés, malgré tous mes efforts pour ne pas arriver en retard, j’arriverai certainement en retard.
À pied, l’expédition n’est guère plus agréable puisqu’il pleut et qu’il reste encore une épreuve, celle du parcmètre. « 1h ? 2h ? Peut-être 3 ?… 4h pour être certaine ? »

Nous franchissons enfin la porte du salon, ou pourrais-je dire de l’univers parallèle, où se mêlent vrombissement de sèches cheveux, odeur de laque, discussions entremêlées, et où tout le monde semble trop occupé pour nous remarquer.
– « S’il vous plait !… Bonjour, j’ai réservé pour 3 coupes enfants. »
– « Bonjour madame, ce sera 2 coupes enfants et une coupe homme, le plus âgé a plus de 14 ans. »
Détail oublié. Léo est officillement passé du côté obscur, celui des tarifs adultes.
Léo va directement au shampoing pendant qu’Arthur, Emma et moi patientons sur les fameux fauteuils en simili cuir. Il est déjà 11h. Emma est appelée à son tour et me demande de bien indiquer qu’on lui coupe « juste les pointes hein ! » comme si ma capacité à transmettre cette consigne déterminait l’avenir de sa vie sociale.
Arthur lui, commence à s’agiter. L’impatience se lit dans chacun de ses mouvements.
Puis dans un murmure paniqué « Maman pipi ! » me dit-il à l’oreille. J’essaie de me faufiler avec lui discrètement au fond du salon où sont les toilettes, qui sont occupées depuis plus de 10 minutes.
Et enfin, c’est à son tour. Je tente de le motiver avec ingéniosité « Tiens bien ta tête droite, comme un super-héros qui doit rester immobile pour une mission secrète »
La responsable du salon m’avertit que c’est un jeune apprenti qui va s’occuper de lui, qu’il est patient avec les enfants. Je croise les doigts.
12h00, Léo réapparaît avec sa nouvelle coupe et Emma sort du shampoing et soin, pendant que je feuillette un magazine et commence à trouver le temps vraiment long.
Et je réalise soudain, que Arthur, qui est toujours sur le fauteuil, a les cheveux anormalement courts, très court. J’ai oublié de donner les instructions, perturbée par ma sortie du salon pour me rendre au parcmètre et prolonger le stationnement du véhicule.
L’apprenti m’explique qu’il bougeait trop pour couper aux ciseaux et qu’il a utilisé la tondeuse. Adieu les boucles d’or, bonjour la coupe militaire.
13h30, mission accomplie ! 3 enfants coiffés. Je pose la question traditionnelle « Alors, ça vous plait ? » avec l’optimisme d’une mère qui sait déjà qu’elle n’aura la vérité qu’une fois à l’extérieur.
À la caisse, on me propose d’acheter un soin pour les cheveux d’Emma « trop secs ». Je suis trop polie (ou trop fatiguée) pour refuser et le portefeuille s’allège de 30 euros supplémentaires.
Nous rentrons enfin. Mon portable sonne quelques instants plus tard, le livreur des courses est devant la maison, et patiente depuis 15 minutes.
Bref… J’ai emmené mes enfants chez le coiffeur.